En ce mois de juin, beaucoup de familles d’enfants précoces se posent la question du saut de classe. Question essentielle que ce (ou ces…) saut de classe. Cette question m’est très souvent posée en mail privé, je vais donc écrire un article succinct mais précis pour partager avec tous mes lecteurs quelques lectures scientifiques et ressentis personnels.
Faut-il sauter des classes lorsque l’on est à haut potentiel ?
J’ai démarré mon site en 2009 pour raconter l’histoire de mes trois enfants précoces et en conséquence, il s’agissait de raconter les bienfaits des sauts de classe pour eux, puisqu’ils ont sauté des classes. Lorsque l’on a des enfants doués avec de hauts niveaux de QI, la question est encore plus cruciale. Lors des discussions avec les enseignants et directeur pour mon fils aîné, on m’avait prédit les pires conséquences, évidemment dramatiques des sauts de classe, que je ne détaillerai pas….une mère d’élève m’avait même parlé de mort…lorsque l’on a un petit enfant de 5 ans, c’est très violent…mais moi je savais, dans ma petite tête de maman que, lorsque j’étais en Terminale, il y avait un garçon qui avait deux ans d’avance, et un autre qui avait un an d’avance , et je voyais bien que cela se passait très très très très très bien. Nous avons pris la décision de faire sauter la GS et le CE2 pour les deux aînés et la GS pour le dernier. Ces décisions ont été prises au vu de l’ennui à l’école, des tests de QI, et en concertation avec les psychologues scolaires et/ou privées. Et tout va bien pour eux, scolairement tout s’est bien passé, socialement aussi, même s’il y a eu du harcèlement scolaire en 5 e pour l’aîné, qui a été vite réglé, mais nous ne saurons jamais s’il n’y en aurait pas eu s’il n’avait pas sauté. Beaucoup de témoignages révèlent du harcèlement de précoces, même sans sauts de classe.
à lire ou relire notre histoire tribulations d’enfants trop vifs
Evidemment , si cela est possible, il vaut mieux sauter une classe dans les petites classes, et que l’enfant soit partant ! mais en général, il l’est.
Souvent les enseignants disent « on verra ça l’année prochaine »…le problème , c’est qu’ils peuvent dire cela tous les ans.
Souvent les enseignants disent « il n’est pas mûr »…le problème c’est qu’il est très sensible et très mûr.
Souvent les enseignants disent « il ne sait pas écrire » …le problème c’est qu’il n’ a pas encore 10 ans à lire ou relire dysgraphie
Les études scientifiques démontrent depuis longtemps que les sauts de classe sont plutôt bénéfiques pour les EIP. Je viens de les recenser pour mon mémoire universitaire pour mon étude. Je vais en citer une, plus ancienne, mais il y en a beaucoup, notamment dans des études anglo-saxonnes.
J .C. Terrassier en 1981 dans « les surdoués ou la précocité embarrassante » a cité l’étude de Leroy-Boussion. En 1971, elle a proposé l’apprentissage de la lecture dès l’âge de 5 ans en section de maternelle et à raison d’une heure par jour à 179 enfants de QI divers. « Seuls les enfants dont le QI dépassait 130 se sont avérés parfaitement mûrs pour la lecture, l’ont acquise aisément et ont été directement l’année suivante en Cours Elémentaire. ».
Le facteur motivation intervient fortement dans les décisions de saut de classe, pour que l’enfant EIP ne se démotive pas dans un niveau trop facile, sans découverte de nouveautés (Renzulli, 2002). L’environnement stimulant est donc déterminant pour l’enfant EIP (Lubart & Jouffray, 2006).
Un autre exemple d’étude longitudinale de l’effet du saut de classe a été réalisé dans les écoles primaires du canton de Genève. Des familles de niveau social plutôt élevé demandaient le saut du CP pour pouvoir accélérer le cursus de leur enfant dans les années 1980. Rieben en 1991 a analysé ces données pour évaluer les effets du saut de classe sur la réussite scolaire (Lubart, 2006). Les résultats en fin de cycle, 4 ans plus tard pour les exemptés de CP, jugés suffisamment précoces pour sauter, sont bons à très bons à 88 % (Rieben, 1992 ; Lubart, 2006). Le bilan psychologique a une bonne validité prédictive et le saut de classe n’a pas porté de préjudice, mais les enfants avaient des connaissances pré-requises en plus du haut potentiel (Lubart, 2006).
L’accélération atténuerait les difficultés de socialisation des EIP « hautement doués », plus à l’aise avec des pairs « intellectuels » qu’avec des pairs de même âge chronologique (Sayler& Brookshire, 1993).
A lire Un joyau méconnu ; l’accélération scolaire de François Gagné (premier livre sur le sujet : 1986)
Des témoignages sur le site planetesurdoues bien sûr et sur d’autres sites :
le parcours difficile de mon fils HQI à l’école
ambio je l’ai copié tellement ce témoignage est exemplaire (de gâchis) :
« Bonjour
Permettez-moi de vous proposer un élément de réponse basé sur mon expérience… S’il faut cataloguer, c’est parce que sans ça, votre fils qui pour l’instant réussit tout, risque un jour, de tout rater : ses études, son mariage, sa vie…
Je m’explique : J’ai été cet enfant qui réussissait tout : sur les bancs de l’école primaire, je m’ennuyais à mourir… Parfois j’interrogeais l’instituteur sur le pourquoi, le comment, sur une autre manière d’arriver à la solution, il répondait systématiquement à côté de la question, un jour, il m’a grondé, me disant que si je n’aimais pas sa manière d’expliquer je n’avais qu’à monter sur l’estrade donner cours à sa place! Alors je me suis tu…
Puis j’ai eu quelques punitions pour manque d’écoute à faire signer par mes parents. Lorsque j’ai essayé de leur expliquer le POURQUOI, ils m’ont grondé, m’ont dit que je devais écouter le professeur et ont systématiquement doublé les punitions.
Alors j’ai écouté, en me taisant,…
Pendant 12 ans, TOUT ALLAIT BIEN !
Pour mes profs car je me taisais.
Pour ma mère car je n’avais pas de punition.
Pour mon père car j’avais des beaux « bulletins »
Cela allait tellement bien que personne n’a remarqué que je n’ai jamais fait un devoir à la maison ni étudié une leçon…
Je n’ai donc jamais appris à apprendre. ( lire : méthode d’apprentissage)
Je n’ai donc jamais appris à échanger. ( lire : gérer une conversation,…)
Je n’ai donc jamais appris à comprendre ( lire : comprendre la différence)
Ces 3 lacunes m’ont détruit et me nuisent encore quotidiennement.
Une fois l’âge de 18 ans, j’ai décidé que je n’étais plus le petit qui devait se taire. Avec un manque d’expérience de 15 ans dans l’art de la discussion, j’ai alors commencé à donner mon avis, à parler de mes idées. J’ai aussi arrêté de faire gentiment ce que je trouvais bête, j’ai commencé à contredire, à exiger des réponses à mes questions…
Mes parents ont appelé ça : ma crise d’adolescence.
Mes profs : de l’ insolence
Mes copains : de la prétention
Mon amoureuse : de la violence morale
Aucun n’a compris que ce n’était que juste enfin « moi »…
J’ai détruit la relation que j’entretenais avec la femme que j’aimais depuis des années car j’ai été incapable de comprendre qu’elle pouvait ne pas comprendre…
J’ai mis un terme à mes copinages de complaisance
Côté scolaire ce n’était pas mieux :
Le niveau universitaire, c’est pas plus difficile que les primaires et les humanités, il y a juste plus de matière qu’il n’est plus possible d’ingurgiter le matin de l’examen dans le bus…
Première candi ingénieur réussie comme les douze précédentes, sans travail à la maison. Juste que j’ai troqué ma place de premier de classe contre celle de dernier…
Ensuite 2 échecs coup sur coup… le début d’un calvaire
Il m’a fallu des années pour me reconstruire, pour me réadapter à notre monde, à ses normes et surtout à ses habitants… Encore aujourd’hui, je regrette de ne pas avoir été catalogué, de ne pas avoir reçu des explications sur les « différences. » Si cela avait été le cas, mes 20 années de frustrations quotidiennes auraient peut-être été mes 20 plus belles années…