Le sens de l’effort
Arielle Adda . Colloque AFEP Lyon. 2006
Nous allons envisager la situation particulière de l’enfant doué au moment où ses dons peuvent se transformer en pièges parfois imparables semble-t-il.
Comment aborde-t-il la période de l’adolescence quand la scolarité exige quelque effort, alors que, justement, la méconnaissance du sens de l’effort constitue la pierre d’achoppement la plus grave dans son cas ?
Tous les enfants doués ne méconnaissent pas ce sens de l’effort si problématique : certains restent zélés en toutes circonstances, au point qu’on pourrait penser que cette qualité est un don et, comme tel, distribuée par la nature de la même façon que le don intellectuel. Ceux qui en sont moins bien pourvus doivent donc le cultiver plus spécialement.
A partir de cette spécificité des enfants doués, qu’on pourrait croire connue de tous, les malentendus, les fausses interprétations et les remèdes plus ou moins adaptés s’accumulent.
Durant tout le Primaire, les pédagogues ne se posent pas de question « Tant mieux s’il réussit facilement » disent-ils tout d’abord, heureux d’avoir dans leur classe un élève à l’esprit vif, qui comprend vite, retient bien et semble intéressé par l’enseignement. Ils ne vont pas se priver d’un si bon élément faisant la joie de ses professeurs, on le garde donc le temps réglementaire, puisque tout est si facile pour lui, et d’ailleurs il n’a pas la maturité suffisante pour passer dans la classe supérieure. Ce sont les filles qui se montrent ainsi le plus souvent des élèves de bonne volonté, appliquées et soucieuses d’harmonie ; elles attirent encore moins l’attention et suivent une scolarité apparemment sans histoire, tant qu’elles sont en Primaire.
A ce propos, je rappelle mon opinion sur cette fameuse « absence de maturité » qui sert de justification pour refuser toute modification et qui n’est même pas étayée par des faits concrets. Les enfants doués sont dotés d’une hypersensibilité, encore accrue par leur perspicacité et ils réagissent souvent violemment aux agressions, même quand elles sont perfides puisqu’ils n’ont pas été dupes de leurs apparences doucereuses. Adultes, ils conservent cette sensibilité trop grande et s’appliquent à la maîtriser comme ils le peuvent.
La question d’un saut de classe ne se pose même pas lorsque l’enfant semble souvent ailleurs, qu’il suit la leçon d’une oreille distraite et ne manifeste sa vivacité d’esprit que par quelques rares éclats, vite éteints. Il « peut mieux faire » c‘est certain, mais il n’est pas vraiment présent, il s’en tient à d’honnêtes résultats, obtenus sans doute sans grand effort ; il est superflu de se pencher particulièrement sur le cas d’un élève calme et peut-être même un peu endormi.
Le saut de classe ne constitue pas un remède absolu, mais il a le mérite de nécessiter tout de même une attention plus soutenue : simplement, l’enfant appréhende ce « saut » dans un inconnu qu’il craint et c’est la peur salutaire qu’il ressent qui l’incite à travailler durant quelque temps. En fait, la scolarité n’offre pratiquement aucune réelle difficulté et il est très aisé de combler ses quelques lacunes : on lui explique ce qu’il n’a pas encore appris, il le comprend et il l’assimile aussitôt et de façon d’autant plus efficace qu’il y trouve, pour une fois, un véritable enjeu.
Pour mémoire, mentionnons l’enfant vif, impatient, curieux de tout et qui s’ennuie à périr. Il bavarde avec ses voisins, bouge beaucoup, on le qualifie momentanément d’ « hyperactif », mais, par bonheur, le traitement médicamenteux est prescrit avec assez de précaution pour qu’on ne l’administre pas sans de multiples examens préalables ; l’enfant doué, quand il s’agite, pose donc un problème insoluble, à moins d’alimenter en continu cette faim de connaissances. Même sous alimenté, cet enfant actif sait pourtant se montrer parfois remarquablement pertinent et judicieux.
Quelle que soit la façon dont les enfants doués traversent le Primaire, leur seul effort s’est réduit à se forcer pour exécuter une corvée accablante d’ennui. Parfois, leurs parents, épuisés d’avoir à traîner ce poids mort, sont sans cesse obligés de vérifier les devoirs, les leçons, le carnet de notes, la date des contrôles. S’ils relâchent leur vigilance, juste pour voir ce qui va arriver, c’est aussitôt la catastrophe. L’élève, qui écoutait distraitement la maîtresse en pensant qu’on allait lui expliquer tout ça à la maison d’une façon plus vivante et plus attrayante, se sent littéralement perdu et il s’effondre jusqu’à ce qu’on le récupère, puisqu’il ne semble pas y avoir d’autres solutions.
En revanche, ceux qui savent se maintenir dans les premiers de classe font la joie et même parfois, de façon discrète et peu ostentatoire, l’orgueil de leurs parents : ces enfants n’ont même pas besoin de travailler plus de quelques minutes pour obtenir de brillants résultats.
Qu’il s’agisse de ceux que l’on doit traîner durant d’interminables heures ou de ceux qui se contentent de jeter un coup d’œil sur leur leçon pour la savoir par cœur, aucun d’eux n’a la moindre notion de l’effort, c’est-à-dire de faire quelque chose de difficile, qui oblige à puiser en soi une force inhabituelle pour atteindre un résultat dont on ne se serait pas cru capable.
Certes, ces enfants aiment souvent relever un défi, mais ils l’envisagent comme un jeu, puisque cet enjeu doit impérativement leur plaire et, dans ce cas, ils ne comptent pas leur peine. Ils sont même plutôt heureux d’avoir, pour une fois, pu donner leur mesure. En outre, il s’agit d’un effort ponctuel, aboutissant à un résultat glorieux, bien éloigné de la terne routine du quotidien scolaire.
On conseille bien aux parents de fournir en activités extra scolaires ces enfants trop peu occupés en classe, mais le choix de ces activités se fait obligatoirement en fonction des goûts de l’enfant, la passion s’en mêle, l’effort est alors aisé à fournir, il ne compte même pas.
L’effort est un mécanisme qui n’a jamais été activé
Les parents ont tellement peur de gaver leur enfant pour se voir ensuite reprocher de le pousser et de le rendre malheureux, qu’ils auraient plutôt tendance à le freiner. D’ailleurs, en classe, l’enfant doué a très vite appris à se freiner lui-même, la réponse superficielle qui lui vient aussitôt à l’esprit étant généralement considérée comme très satisfaisante.
Il se construit donc de lui-même une image à partir de ce qu’on lui revoie : un enfant différent des autres en ce sens qu’il ne doit pas forcer son talent en classe, ce serait non seulement inutile, mais presque déconseillé puisqu’en approfondissant sa réflexion il se démarquerait beaucoup trop de ses camarades avec les effets secondaires désastreux que cela entraînerait. Dans son esprit, il ne s’agit pas particulièrement d’une supériorité, c’est sa nature, il a une bonne mémoire, il est bon en mathématiques, il a de bonnes idées en rédaction, mais un graphisme souvent catastrophique, il ne dessine pas très bien, il a aussi ses faiblesses, comme les autres enfants. Ses parents sont plutôt contents, parfois même un peu fiers : il a de bonnes notes sans vraiment travailler. Ils le disent bien un peu « paresseux », pour ne pas sembler trop vantards, mais ils ne vont pas se plaindre de cette facilité qui les dispense de l’inquiétude rongeant ceux dont les enfants peinent pour apprendre à lire, doivent redoubler le CP, amorcent un parcours scolaire déjà désastreux
Cependant, arrive inéluctablement le moment où cette aisance merveilleuse commence à disparaître :
En 4°, en 2°, en Terminale, ou plus tard, en Prépa. Il n’y a pas de mots assez forts pour décrire l’effroi désespéré qui envahit celui qui ne savait pas ce que travailler veut dire. Sa mémoire ne fonctionne plus, la solution des problèmes ne lui apparaît plus de façon lumineuse et, en outre, il ne sait pas justifier la réponse exacte qu’il a trouvée et il a une mauvaise note. Il est totalement incapable de maîtriser ce raisonnement intuitif et rapide qui lui fournissait tout naturellement cette solution. Cet élève devenu plus que médiocre ne peut être le même que l’ancien, qui brillait avec tant de naturel. Il a changé, et comment savoir si cette modification ne va pas se poursuivre, atteindre son aspect physique peut-être ? Cet effondrement survenant à l’adolescence, tous les éléments sont réunis pour qu’il se trouve particulièrement affreux, disgracieux, repoussant peut-être, en tout cas peu aimable.
C’est ainsi que, pour retrouver une certaine maîtrise d’eux-mêmes, certains élèves plus angoissés et amplifiant encore la pression qu’ils subissent, peuvent présenter des troubles importants tels que l’anorexie par exemple. Il y aurait là un ultime domaine où il leur resterait quelque maîtrise.
Parfois, ils avouent recourir à des rituels, alors même qu’ils ne présentent aucun signe obsessionnel, mais, dans l’urgence, tous les moyens semblent bons pour tenter de conserver un peu d’aisance intellectuelle.
Si on dit à cet adolescent éperdu, en s’employant au plus grand ménagement, « fais un effort ! », il reste inerte et semble ne pas comprendre. Il ne peut s’agir de lui quand il est question de fournir un effort, lui ne sait pas du tout comment procéder, il espère seulement que les choses vont se rétablir et qu’il va retrouver son habitude passée de réussir sans travailler. Etre obligé de peiner sur un devoir, de réfléchir de façon besogneuse pour résoudre un problème, de lire et de relire une leçon sans pouvoir la fixer dans son esprit démontre bien qu’il n’est plus le même. Ce n’est pas possible que cette détérioration l‘ait touché. A cette seule idée, il est trop profondément horrifié pour tenter de fournir ce fameux effort dont la notion reste encore toute théorique pour lui. Il ne lui reste qu’à sombrer, à se laisser mourir peut-être, puisque déjà quelque chose en mort en lui.
Il comprend simplement qu’on lui reproche son attitude et il s’insurge contre ce manque de compréhension de la part de ceux qui lui sont les plus proches et qui paraissaient le comprendre jusqu’à présent.
On pourrait concevoir que les enfants basculent ainsi dans le désespoir, quand ils ne se reconnaissent plus dans l’image d’un élève qui doit redoubler, ou bien quand un étudiant est, pour la première fois de sa vie, collé à un examen ; en fait, le même mécanisme agit quand ils sont seulement confrontés à la nécessité de « travailler », comme si ce mot recouvrait pour eux une signification terrifiante.
On voit des enfants absolument désespérés alors que leurs notes restent bonnes : passer de 18 à 15 pourrait sembler anodin, mais, pour eux, c’est déjà l’amorce d’un écroulement qui ira en s’aggravant sans qu’ils sachent l’enrayer, ils le sentent au plus profond de leur être, l’avenir est dramatiquement sombre, mieux vaut alors ne pas vivre cette déchéance et en finir tant qu’il leur reste quelques éclats. Ces réactions semblent d’autant plus surprenantes qu’elles surviennent chez des élèves qui avaient toujours paru finalement assez travailleurs, comme le prouvaient leur bonnes notes. Mais, si on insiste, on apprend que, pour ces élèves appliqués, « travailler » consiste à jeter un coup d’œil sur le programme durant quelques minutes, en se concentrant, en effet, de façon suffisamment efficace pour rester à leur bon niveau de résultat. Ils ne peuvent concevoir qu’il existe une autre manière de travailler et ils sont scandalisés si on leur suggère, avec précautions, qu’ils devraient peut-être reconsidérer leurs conceptions.
C’est alors que les fausses interprétations surgissent en nombre
Des diagnostics péremptoires renvoient plus que jamais à l’adolescent doué une image complètement déformée.
On dit que la grille de lecture, limpide et évidente, semble toute trouvée : ces enfants possédaient une telle facilité qu’ils n’ont jamais été confrontés à un échec qui aurait marqué leurs limites et, partant, les aurait incité à envisager la notion de castration. Cette étape constituerait une des données essentielles du développement, au même titre que la phase œdipienne, mais ces étapes ne sont pas vécues tout à fait de la même façon par les enfants doués, même lorsqu’il s’agit de passages considérés comme inévitables. Il y aura toujours des différences subtiles, difficiles à cerner et encore plus difficile à étudier : le risque d’une approche gravement réductrice doit être pris en compte.
A cause de cette étape qui aurait été évitée, les enfants doués auraient été fallacieusement maintenus dans un état de toute puissance, encouragés en cela par des parents fiers et peu au courant de cette rude étape, indispensable dans l’évolution d’un enfant. Par la suite, brutalement placés en face de leurs limites, à un âge où cette acceptation du réel aurait dû être acquise depuis longtemps, ils souffrent bien plus que les autres, qui savaient déjà qu’il leur fallait renoncer à la toute puissance. Quand on dit que ces enfants sont immatures, on pense aussi à leur refus de la réalité : c’est parce qu’ils vivraient, plus longtemps que les autres, dans ce fantasme de pouvoir absolu, il est alors bien temps pour eux de découvrir la dure réalité et tant pis s’ils l’acceptent si mal. A l’image de ces maladies infantiles, presque bénignes chez les jeunes enfants et qui peuvent être mortelles chez les adultes, cette découverte tardive est plus douloureuse, mais c’est la destinée humaine de traverser cette étape. Il faut bien payer cette scandaleuse aisance des tout débuts. Le remède consisterait donc à ouvrir les yeux sur la réalité humaine et à dépasser l’illusion qu’ils avaient entretenue jusqu’à présent. Si l’enfant en perdition refuse la psychothérapie qu’on lui propose, c’est bien parce qu’il ne veut pas renoncer à son monde magique où tout fonctionne à merveille sans qu’il soit obligé de s’en occuper. La thérapie est d’ailleurs envisagée comme une solution par défaut : on va rechercher dans le passé de l’enfant en déroute, dans son entourage, dans des événements mal vécus, les raisons expliquant ce qui semble un blocage et on va en trouver, parce qu’aucune existence n’est parfaitement lisse et sans accrocs, mais on est très loin de la cause essentielle.
Il arrive alors que cet élève égaré pense qu’il existe une formule miraculeuse
Il suffirait de trouver celle qui lui convient. Il va donc, répétant qu’il voudrait « apprendre à travailler » à ses parents momentanément soulagés, puisqu’ils pensent qu’il va devenir plus raisonnable, mais cette formule correspond dans son esprit à découvrir le mode d’emploi d’un appareil, distraitement utilisé jusque-là, en lisant enfin attentivement la notice, sans démarche personnelle de travail assidu. Assidu ? Que signifie « travail assidu » ?
C’est là que réside le malentendu qui pousse à créditer ces adolescents de ‘tout puissants’, alors que ce pourrait finalement n’être qu’une question de terminologie. « Travail » n’a pas le même sens pour chacun. Il en va de même pour bien d’autres notions, l’humour par exemple, mais là personne ne s’en étonne.
Quand on sait que les enfants doués, loin de s’enivrer de leurs pouvoirs, dont ils n’ont pas conscience et qui leur paraissent tout naturels, sont généralement tourmentés par toutes sortes de doutes, on peut difficilement leur attribuer des idées de puissance. Ils disent bien plus souvent « je suis nul » et ils s’en désolent. Pour eux, il n’y a pas de mérite à réussir sans travailler, mais une mauvaise note inattendue les afflige parfois profondément, à la grande surprise de leur entourage qui leur rappelle « qu’ils n’ont pas travaillé ». Cette constatation, si souvent entendue, continue à évoquer pour eux un aspect théorique de l’existence dont on parlerait juste pour mémoire.
Une autre interprétation est maintenant souvent évoquée : « phobie scolaire » dit-on d’un adolescent qui répugne à aller en classe, puisqu’il ne s’y reconnaît plus et qu’il s’y sent terriblement malmené. Ce terme de « phobie » évoque tant de prolongements pathologiques qu’il peut plonger une famille entière dans un désarroi épouvanté. Les thérapies entreprises restent absolument sans effet, elles n’agissent pas sur le fond, seulement sur les retombées finales de notions banales, mais encore ignorées par les adolescents doués.
A cette « phobie » s’ajoute, bien évidemment, un manque « d’estime de soi » tout à fait naturel dans ces circonstances. Même quand l’adolescent est enfin pris en main par des pédagogues qui connaissent ses spécificités et l’aident avec efficacité, on conserve le traitement destiné à lui faire retrouver cette « estime de soi », comme s’il s’agissait d’un symptôme isolé, sans véritable rapport avec la situation présente
Il convient de rappeler que les enfants se construisent une image d’eux-mêmes à partir de celle qu’on leur renvoie. Il est pratiquement impossible de se former de soi-même une image cohérente et solide sans recevoir de retour de l’entourage. Ceux qui ont réussi par eux-mêmes, sans aucun soutien de leur entourage se retrouvent souvent dans l’action, où ils connaissent leur valeur, mais l’image de soi intime, profonde, celle qui permet l’expression des sentiments, leur fait défaut.
Pour l’adolescent qui se voit sombrer, cette image se brouille, alors quelle « estime » mérite-t-elle ?
Peut alors s’installer un lent engourdissement, fait de renoncements discrets, à peine perceptibles, mais qui s’accumulent pour aboutir à un état amoindri, le plus urgent étant d’effacer le moindre souvenir des rêves d’antan. Penser aux jours anciens réveille une douleur insupportable.
Ces réactions tellement douloureuses, la vision d’un avenir obscurci, l’image de soi durement entamée n’incitent tout de même pas ceux qui souffrent tant à modifier leur attitude face au travail : ils persistent dans leur position et d’ailleurs ils ne sauraient comment procéder pour la changer.
Souvent, ils adoptent une attitude plus radicale encore : ils ne travaillent plus du tout, leur échec est donc prévisible, justifié, et ils s’en accommodent du mieux qu’ils le peuvent, puisqu’ils leur faut aussi affronter les remontrances, plus ou moins sévères, de leurs parents et accepter de les décevoir. On se dit « mais à quoi peut-il bien penser en ne travaillant plus du tout ? Il va redoubler, il travaillera encore moins, puisque il pensera connaître le programme et on ne peut refuser le redoublement au vu de ses notes catastrophiques… » Lui semble indifférent, ailleurs, à peine concerné par son avenir.
Il est bien loin le jeune enfant qui allait à l’école pour les récréations, entrecoupées de quelques formalités plus scolaires et plus ennuyeuses accomplies distraitement, mais avec succès. Une petite fille se désolait quand elle n’avait que 14. Adolescente elle soupire : « qu’est ce que je donnerais maintenant pour avoir 14 ! »
C’est alors qu’ils ont l’impression d’être à côté ou en dehors d’eux-mêmes, ils suivent un parcours sans intérêt, parfois même franchement affligeant, dans la compagnie de condisciples qui leur restent étrangers, ils se sentent encombrés par cet individu qui rate tout ce qu’il entreprend, alors même que leurs ambitions décroissent d’année en année. Ils ne se reconnaissent plus.
Pour éviter à ces adolescents de se croire désormais relégués dans des limbes floues où ils se sentent comme égarés, il est essentiel de les aider à découvrir le plus tôt possible la notion de travail, la valeur de l’exercice plusieurs fois répété, l’acceptation des devoirs rédigés dans la forme demandée, c’est un entraînement semblable à celui des athlètes, qui ne songeraient jamais à s’insurger contre une discipline qui leur apportera peut-être la joie de la victoire.
Certains adultes, encombrés d’eux-mêmes et de cette quête perpétuelle qui n’aboutit jamais, ont l’opportunité de reprendre des études.
C’est avec leur esprit d’adulte, plus pratique et plus au fait des exigences de la vie, qu’ils recommencent ce qu’ils n’avaient pas su faire quelques années auparavant. Ils découvrent alors dans la peine, dans les larmes même parfois, les contraintes du travail. Leur désir de s’extraire de leur malaise actuel est assez fort pour leur insuffler une énergie nouvelle, mais que de souffrances à endurer ! S’y ajoute le souvenir encore pénible des échecs qui avaient marqué les limites de leur rêve d’accomplissement. Ces barrières, peut-être infranchissables, pourraient encore se dresser devant eux, au prochain examen, au devoir qu’ils rédigent, à l’exposé qu’ils ont préparé en tremblant.
Eux aussi ont besoin d’aide, ne serait-ce que pour alléger leur peine.
Des théories telles que la gestion mentale viennent à leur secours, élèves en désarroi comme adultes en perdition, ils retrouvent les chemins menant à une efficace utilisation de leurs capacités et surtout à un bonheur de vivre dont ils avaient depuis longtemps oublié le goût.
Le plus sage consiste à donner, dès le début, ce sens de l’effort pour qu’il ne reste pas théorique. « Dès le début » signifie dès la Maternelle, où les enfants amorcent déjà cet abandon du sens de l’effort : ils préfèrent rester semblables à leurs camarades de classe, alors que c’est dans ce tout jeune âge qu’ils peuvent apprendre à associer la notion de travail bien fait à celle de plaisir, mais, pour les y inciter, il faudrait modifier radicalement la pédagogie et accepter de prendre en compte les particularité des enfants doués ; on leur épargnerait alors ces brutales plongées mortifères dans un échec annonciateur de catastrophe. Le prévenir serait plus efficace que de le soigner, avec plus ou moins de succès, en évitant toutes les traces douloureuses qu’il laissera, parfois la vie durant.
Les élèves qui refusent de voir leurs notes baisser réussissent bien à éviter ce cap dangereux, quitte à souffrir face aux pesants pensums qu’ils s’obligent à effectuer, mais ils gardent le cœur léger, ils conservent une harmonie familiale sans drame et ils peuvent s’offrir le plaisir de rêver tout à loisir.
L’adolescence est alors l’âge de l’éblouissement dans toute sa plénitude, le savoir acquis permet de goûter plus délicieusement les joies de la connaissance et surtout il ouvre les horizons illimités que des études plus poussées vont permettre d’explorer. Le vertige qui saisit l’adolescent au seuil de ces découvertes laissera une trace inoubliable : celle du rêve qui pourrait devenir possible…
Arielle adda colloque afep octobre 2006 lyon
Toujours adolescent, et au fond du puis, je ne sais pas travailler. Je passe de résultats plus que bien à des notes catastrophiques.
Je ne sais réelement plus quoi faire, cela me déprime et me décourage, exactement comme vous l’avez décrit.
Je me demandais, comment puis-je faire pour, au moins, alléger la difficulté et réapprendre a travailler ?
Devrais je commencer a voir un psychologue ? Je n’ai jamais suivi aucune psychanalise… Je me sens perdu, je ne sais pas quoi faire, et n’ai qu’un suport mitigé de la part de mes parents.
Que pourrais-je faire ?
Pour ceux qui n’ont pas eu cette « discipline » de l’effort, ont eu un parcours scolaire et professionnel « ternes », n’ont pas vraiment été reconnus et accompagnés dans leur potentiel, que faire ?
Il y a sûrement eu du « gâchis » et même quelque chose qui est « mort ». Des portes fermées ou des choses non exploitées, dans plein de domaines.
Certes, découvrir ce potentiel aujourd’hui rassure et permet une forme de réconciliation, mais cela ouvre-t-il vraiment de nouvelles perspectives, après tant d’années subies… ?
« de nouvelles perspectives, après tant d’années subies… »
Les surdouées ont des ressources et peuvent rebondir. On connaît de nombreux cas où les gens s’interrogent, changent de vie, reprennent des études, pourquoi pas ? Il n’y a pas de fatalité.
Le « Goût » de l’effort…
Je l’aime, ce goût. Il est fort, orange, âpre à son aube puis perlant d’une eau rafraîchissante, comme une ouverture à un possible, la clé d’une boite à outils qui va permettre de tout réaliser. Il retentit clairement quand il débroussaille avidement toutes ces choses futiles qui se dresse devant la porte à ouvrir. Il devient tableau quand il attrape la méthode adéquate. Il chante une douce mélodie quand il propulse encore plus vite que la vitesse normale autorisée. Et lorsque la lune embrasse l’aurore, la porte enfin ouverte nous amène au calme d’avoir réussi, accompli…
En lisant cet article, une partie de mon esprit est allée dans la case « accompagnement de mes chérubins ». Plus que de leur dire « fais un effort, quoi ! », j’ai plutôt essayé de trouver l’astuce pour leur transmettre le goût de l’effort. Pour que l’un et l’autre trouvent en eux ce plaisir d’être et non d’avoir et qu’ils sentent leurs potentiels propres et bien présents.
Je suis fière de mon intuition car même si souvent je me suis aussi trouvée un peu nulle comme mère, mon sens de Maman est vif et se fonde sur l’observation de mes enfants.
Pour expliquer le goût de l’effort à un enfant, c’est cela : c’est le concentrer sur l’observation. De lui-même il va alors se regarder et il prendra « goût » à se modeler par son instinct tellement aiguisé…
Vous pouvez vous tourner vers la gestion mentale peut-être
Bonjour,
Je suis dans le même cas. J’ai repris mes études (DEAU) il y a quelques mois mais je me retrouve face aux mêmes problèmes qu’avant. On a besoin d’aide…tous sont d’accord pour le dire mais où trouver cette aide ?
et à 38 ans je ne sais toujours pas apprendre.
Existe-t-il des méthodes, des écoles ?
« Eux aussi ont besoin d’aide, ne serait-ce que pour alléger leur peine. »
merci,
C.