Brune

Je vais vous présenter un témoignage très émouvant d’une jeune femme qui m’a raconté son histoire. C’est par les témoignages que l’on peut comprendre le haut potentiel, et les études scientifiques permettent de généraliser les caractéristiques à toute la population des surdoués. Les deux sont complémentaires, et se trouvent sur ce site.

Elle souhaite que son récit puisse aider d’autres personne et surtout les parents, qui ne sauraient se comporter et comprendre le haut potentiel de leur enfant.

C’est un très beau témoignage, et on comprend bien, comme pour Bleuenn, la descente aux enfers, par incompréhension, et malveillance diverses. Le CP anticipé a été refusé. On comprend surtout que c’est l’environnement qui a marqué son empreinte fâcheuse, mais il n’a pas détruit complètement la narratrice, puisque Brune a une formidable résilience.

Cela  laisse sans voix parfois. J’ai reçu ce témoignage « comme une claque » et je pense que l’on ne doit pas trop parler après.

Alors lisez si vous voulez :

Brune, son histoire

« je vais donc commencer le récit de ma scolarité.

Je suis entrée en maternelle a 3 ans. Je n’était pas allée en crèche avant, j’avais principalement fréquenté mes parents et les autres adultes de ma famille. Très peu d’enfants, encore moins de mon âge. Ma sœur venait de naître.

¤ La première année s’est bien passée selon ma mère. Je n’ai pas de souvenirs à part quelques interactions avec mes camarades. La maîtresse était bienveillante, selon elle.

¤ Tout s’est compliqué en moyenne section. La nouvelle enseignante, Mme C, ne semblait pas m’apprécier. Je n’était pas vraiment à l’aise avec les autres enfants. En avance en matière de langage et connaissance, mais en retard en motricité et psycho motricité.

Mme C accusait mes parents de me « pousser » par exemple, j’ai commencé à jouer aux échecs (j’y avais accès chez moi ). J’étais aussi passionnée de dinausores, j’était assez calée en la matière.

Donc des centres d’intérêts variés et peu communs.

Ma mère se doutait de ma « douance » et à la suite de conflits avec Mme C qui me brimait, les parents ont été amenés à rencontrer la psychologue scolaire. J’en ai quelques souvenirs mais sans conscience de ce qui se tramait.

J’ai passé les tests wisc. Elle m’a « évalué » 141 de QI. Une enfant de 7 ans dans un corps de 4 ans selon ce que me rapporte ma mère. A l’époque elle m’avait dit que j’était intelligente, plus que la moyenne.

[ J’ai récemment demandé mon dossier de tests à mes parents mais ils n’ont rien eu de la psychologue. Apparemment les psychologues scolaires ne sont pas tenus de communiquer de compte rendu. Sûrement jeunes et inexpérimentés mes parents n’ont pas pensé à demander un quelconque papier.

J’ai tenté, 20 ans après, de prendre contact avec la psy mais je n’ai pas eu de réponse ]

S’en suivent d’autres conflits avec Mme C et la directrice de cette petite école. Mes parents demandent un saut de classe qui ne sera pas accordé en raison de mes difficultés motrices.

¤ La grande section de déroule ainsi, toujours avec Mme C. Je ne suis pas intégrée dans ma classe et continue à mal vivre d’aller à l’école.

¤ Rentrée en CP dans une nouvelle école, neuve et plus grande. J’imagine que mes parents devaient être soulagés. Ça ne durera pas. L’école continue d’être une grande appréhension pour moi. Je n’écoute rien en classe, je revasse. J’essaye, mais je n’y arrive pas.

Mme F est plutôt gentille, mais mes résultats sont soit moyen, soit en dent de scie.

Commencent donc l’insatisfaction de mes parents envers moi, et les Rdv réguliers avec les enseignants qui me suivront. « Elle est intelligente, elle peut faire beaucoup mieux »

¤ passage en CE1, Mme G est un vrai chien de garde, et moi qui ne suis ni brillante, ni attentive devient vite une des cibles des vociférations de l’enseignante.

Je ne suis toujours pas intégrée. Jusqu’en 3ème, je n’aurais presque que des amis par défaut, tenant compagnie aux autres solitaires de la classe.

Je commence à somatiser, me plaignant souvent de maux de ventre le matin, pour éviter le bagne.

¤ CE2. Toujours Mme G, pas de chance. Je me souviens d’un moment où, pour qu’elle vienne corriger mon exercice, mon doigt tremblait alors que je le levait. Ma scolarité continue en dents de scie. Ce qui insupporte mes parents et me gâche la vie. Les devoirs à la maison sont pénibles et j’ai droit à des cahiers de travail en plus, « tout savoir en CE2 » etc. Je développe des stratégies de triche et de dissimulation. Les devoirs, les notes… dès  que ma mère à le dos tourné, je regarde les réponses, pour les multiplications par exemple.

Les parents et les profs se lamentent ensemble de mes capacités gâchées. Moi, je voudrais juste la paix. Ma dégaine de petite fille sage et rêveuse dénote avec mon « comportement ».

La lecture de romans, documentaires divers, est mon passe temps principal.

Mon frère naît à la fin de l’année.

¤ CM1. Mr T m’impressionne un peu mais il se révèle vite calme et sympathique, bien que dérouté par mon profil, ma mère me le dira plus tard. Pas de changement au niveau des résultats. Je me maintien un peu au dessus de la moyenne, parfois avec quelques notes excellentes, ou d’autres catastrophiques.

Je brille juste en expression écrite, ou mes devoirs, du CE2 jusqu’en terminale seront souvent les meilleurs. Je me débrouille en bio et en histoire ou mes connaissances personnelles rattrapent le reste.

Je commence des séances avec une psycho motricienne au cmpp. C’était plutôt sympa, hormis les comptes rendus avec mes parents. Je me souviens d’un des 1ers interrogatoires mené par une femme, et bien sur en présence de mes géniteurs. Ils étaient là, à me scruter, à m’ analyser, à me poser des questions du genre « mais qu’est ce qui va pas Brunehaut?  »

[Brunehaut est mon prénom officiel. Mes parents aspirants historiens en ont jugé bon, mais j’abhorre ce nom aux sonorités plutôt laides. Et qui m’a valu bien des moqueries et du temps perdu à l’ épeler ]

Je reprends à cette question hautement subtile, lâchée dans un grand sourire  ( bienveillance oblige ) des trois adultes me fixant « mais qu’est ce qui va pas Brunehaut? « .  Aujourd’hui cela me ferait hurler. Précisons mon très grand malaise lors de ces réunions. Moi, petite fille hors norme qui se tortille sur sa chaise, entourée de trois adultes qui ne semblent pas doués pour communiquer avec un enfant. Je suis impressionnée par un tel manque d’empathie et de compréhension.

Aujourd’hui j’aimerais leur répondre avec colère, « vous croyez vraiment que je peux répondre à ça ? Vous croyez que j’ai confiance en vous ? Bandes de naïfs , peut-être que ce qui ne vas pas, c’est que vous ne me laissez pas en paix ! »

Voilà une anecdote qui pourrais illustrer mon rapport aux adultes en cette période.

¤ CM2. Mr R est le prof cool de l’école, je suis assez contente de tomber sur lui. L’ambiance est détendue, on fait les exercices en autonomie et Mr R a une légère tendance à surnoter tout le monde. Se déroule une année un peu plus douce que les autres, où mes résultats augmentent, mais toujours pas assez pour mes parents. J’ai deux vraies copines. Nous serons séparées par le collège.

[ réflexions générales sur la primaire. Années difficiles psychologiquement pour moi. J’ai quand même plusieurs activités extra scolaires (danse, dessin, bibliothèque ) qui me permettent de m’évader.

L’école est une prison dont les parents sont des complices actifs.

Les devoirs sont pénibles, souvent je bloque. Les vacances sont accompagnées de devoirs supplémentaires et de petites réflexions  « tu ne mérites pas vraiment de te reposer » « il faut renforcer tes acquis ». Mes loisirs, mes séjours chez ma tante sont écourtés à ce prétexte. En miroir il y a ma petite sœur qui a une scolarité brillante, et qu’on laisse tranquille.

J’ajouterais une dernière anecdote :

À l’âge de 16 ans environ, je suis tombée sur mes cahiers, du CP au CM2. J’ai été choquée de me découvrir des résultats moyens, avec, comme je l’ai déjà mentionné, parfois de très bonnes ou de très mauvaises notes. J’ai été indignée car, dans mes souvenirs, l’image que j’avais de moi était celle d’un vrai cancre. Or, vu mes résultats, j’aurais bien pu évoluer en tant qu’élève moyenne, sans me faire harceler. Je suis de suite allée demander des explications à ma mère, qui s’est justifiée en disant « bah oui mais on attendait plus de toi ».]

Voilà mes souvenirs de maternelle et primaire. Je ne pensais pas que ça serait si long, je l’ai écrit sur plusieurs jours.

Je tiens à préciser que je ne cherche pas à me faire plaindre, je suis consciente que je ne suis pas la plus malheureuse. Mais mon récit semble assez triste de mon point de vue.

J’ai tenu à vous le communiquer dans le but de sensibiliser les parents à toujours plus de bienveillance et de tolérance avec leurs enfants hpi. Ils ne sont pas là pour faire gonfler l’ego de leurs géniteurs, ni pour fournir des résultats.

Mais pour se construire harmonieusement, et surtout pour eux-mêmes.

Je sais que ce n’est pas vous que je dois convaincre. Mais peut-être vous aurais-je donné de la matière. (pour éduquer certains parents ) ( rires jaunes )

Je commence la deuxième partie, cad collège lycée.

6ème. J’ai tout juste 11 ans à la rentrée. J’arrive dans un collège d’environ 400 personnes. Dans la classe je retrouve plusieurs camarades de primaire, mais aucun de vraiment amical. Je reste donc avec une autre petite fille timide que je connais, et qui deviendra mon amie par défaut.

J’ai des profs plutôt sympa, sauf en math. J’ai pas un profil à faire des vagues, on me reproche surtout ma discrétion. Je ne me foule pas, les résultats sont médiocres. Je fais semblant de travailler, cela ne se remarque pas encore. Je bâcle mes exercices dans le bus qui me conduit au collège.

Du bus du matin au soir, je subis des brimades de « grands » ou d’enfants de ma classe, qui parfois me menacent, souvent se moquent de mon apparence ringarde. Et moi incapable de me défendre, me cloître dans le silence. Sauf avec mes camarades de classe à qui je rétorque des insultes. Parce que je savais que les représailles n’iraient pas loin, et qu’on était de force égale.

Les insultes qu’ils me lancent restent quand même très blessantes.

Je passe  3/4 de mes récrés au CDI.

Ce sera pour moi un refuge très agréable. La documentaliste m’aime bien, elle s’étonne de voir une petite fille lire autant, et aussi des titres réservés traditionnellement aux lycéens. Je dévore plusieurs romans par semaine, provoquant l’admiration du prof de français et l’incompréhension des autres enfants. Une sorte d’ intello cancre.

[ c’est à partir de cette année où je commence à simuler les maladies, les malaises. Plusieurs fois l’infirmière appellera ma mère qui viendra me chercher. Plus les années passent et plus je suis absente. En 3ème je fanfaronnais en montrant mes très nombreux mots d’absence, ne prenant même plus la peine de faire semblant devant mes camarades. ]

5ème. Les années se suivent et se ressemblent. Je ne travaille pas, sauf en français ou je suis assez douée. Mon harcèlement scolaire continue, les journées sont difficiles.  Je dissimule la plupart de mes notes et de mes devoirs. Mes cahiers sont mal tenus. comme toujours je fais semblant.

Appréciations générales : trop discrète, travail personnel inconséquent, prend confiance en toi.

Je pratique la lecture et l’équitation avec assiduité.

[ mes dissimulations cachent une logique que j’ai su formuler plus tard : mieux vaut se faire bien engueuler 3 fois dans l’année aux réunions parents profs plutôt qu’un peu tous les soirs.]

4ème.  Malgré mes tentatives pour rentrer dans le moule, je fais toujours figure d’extraterrestre. Résultats médiocres, les profs déplorent mon manque d’investissement. La vie est terne, pénible. Je maudis l’école, le collège, et les geôliers qui y œuvrent. La rancœur s’installe. Inadaptée à l’école, en conflit ouvert avec mon père assez violent, et avec ma sœur que je hais parce que je suis jalouse. Ambiance

3ème. Cette année marquera une différence notable. Je commence à ressembler à une jeune femme et à plaire aux garçons. C’est ce qui sauvera ma vie sociale. Je me maquille, change de style vestimentaire. Conséquences directe, je décroche encore plus des cours, pour la première fois de ma vie j’ai une vie sociale intéressante.

La séduction deviendra une de mes armes préférées. On me trouve toujours bizarre mais je ne fais plus partie des ringards.

La colère et la révolte montent en moi. Contre mes parents, contre la société. J’écoute du rap très fort dans la chambre, me réjouissant d’ énerver mon père. J’écris de longues lettres enflammées, pleines de haine et d’agressivité. Heureusement je les garde pour moi, c’est un exutoire.

La réunion parent prof du 3ème trimestre sera la pire. Je n’y participe pas, sachant que je vais me faire descendre. Mes parents rentrent. C’est l’enfer pour une soirée. Reproches, menaces, inquisitions. Les profs ont balancé sur mon attitude jemenfoutiste, mes notes déplorables, le travail non fait. Les deux acolytes, me fusillent du regard et me posent LA question « mais enfin Bruneuhaut quesquivapa? »

Et que leur répondre ? La vérité est qu’enfin je suis un peu heureuse de me lever le matin. Qu’enfin des gens intéressants s’intéressent à moi. Qu’entre la vie sociale et le bulletin scolaire, le choix est vite fait. Les réponses fusent dans ma tête. Mais hors de question que je leur explique. Ces ringards n’y comprendraient rien.

Je me tais. J’encaisse. Privée de sorties et de téléphone. Tant pis. Je continue ma vie en essayant d’avoir l’air de faire des efforts.

J’aurais le brevet mention ab.

2nde. Cette année tout change. Je suis en internat, en section générale option équitation dans un lycée agricole. J’aimerais m’orienter vers un métier en rapport avec le monde équestre. Une copine de mon club d’équitation est dans ma classe. Un saut dans l’inconnu, avec au moins une alliée.

Je suis très contente d’être interne en raison des tensions avec ma famille. Ma sœur et moi sommes encore ennemies, et ne parlons même pas de mes vieux.

Et surtout je peux me créer une nouvelle identité, loin des harceleurs du collège. Blouson de cuir, jeans déchirés et bijoux cloutés. Ajoutons une longue tignasse noire et un maquillage sombre, ma carapace est faite.

Si les premiers jours sont un peu inquiétants, je me fais très vite des amis. Ce sera de loin la meilleure classe que j’ai eu. Beaucoup de complicité et un certain talent pour emmerder les profs qui ne nous plaisent pas, c’est à dire tous sauf une. Les anecdotes de nos frasques scolaires ou pas me reviennent par dizaines. J’y ferais mes premières expériences avec l’alcool, et le cannabis.

Sans surprise, j’assure juste en français et en hippologie.

Mes ambitions sont de devenir monitrice d’équitation, ou cavalière pro. Je pourrais entrer en BEP agricole mais les parents ne l’entendent pas ainsi. Je dois passer un bac général, après je pourrais m’orienter.

Sauf que n’ayant pas le niveau pour une première générale, on commence à parler redoublement.

Cela me déprime, mais il n’y a pas d’autres solutions. Je ne peux pas aller en S. Le bac pro ou techno m’est refusé.

Redoublement donc, et retour au bercail, dans mon lycée de secteur, sans internat. Punition tacite.

2ème 2nde. Retour à Amboise, loin de mes amis, dans un paysage que je connais bien. Au moins me dis je, je n’aurais pas à subir des gens de 3ème dans ma classe. Vu qu’ils sont logiquement passés en première. Je redoute mon passé, mais je suis rentrée nouvelle et plus forte, différente. Avec l’aura de la redoublante, plus âgée et expérimentée. Malgré ma morosité affichée, je rencontre vite de nouvelles personnes. Ma nouvelle bande se constitue. Jeunes idéalistes, férus de cultures alternatives, politique, musique, drogues…

Du fait de mon redoublement, j’ai quand même des aspirations à ne pas trop rater mon année. Je vise le bac L et je fais quelques efforts..

Évidemment je trouverais quand même le moyen d’être importunée, jugée et interrogée par l’équipe de mes profs et parents.

[ cela deviendra un gag récurrent, moi demandant à ma mère de laisser mes professeurs tranquilles, de ne pas demander de rdv pour discuter de mon cas. Et elle répondant que c’est pas sa faute, c’est les profs qui demandent à la voir. Je crois quand même qu’elle ne pouvait pas s’en empêcher, au moins pour sauver les apparences.  Pour montrer que si, moi j’ai l’air de m’en foutre, elle, est une mère brave, impliquée et tellement inquiète pour sa fille. ]

En parallèle, je commence à fumer des joints régulièrement. Du collège, je connais un dealer. Une relation commerciale se met en place. Je fume d’abord une ou deux fois par semaine, avec mes amis. fous rires et défonces garantis.

1ere L. Cela sera ma meilleure année scolaire. La place laissée au français et à l’histoire y seront pour beaucoup. Mme B, ma prof de français, est une perle. Intéressante, drôle, respectueuse de chacun, je l’apprécie beaucoup. Et quand j’apprécie un prof et que la matière me plait, j’assure. Nous aurons en plus 4 heures de TPE, qui consiste à la mise en place d’un exposé, en lien avec la filière choisie. Le thème était taillé pour moi, « utopies et contres utopies « , appuyé sur deux œuvres de notre choix, à mon groupe et à moi.

L’année sera ponctuée de visites culturelles, théâtre et danse contemporaine.

Je sors depuis un an avec le frère d’un pote. C’est un sale mec, pervers narcissique, mais ça je le saurais plus tard.

Je fais la connaissance de ma future meilleure amie, A, seule personne à ce jour qui me comprenne sans beaucoup de mots, et devant qui je peux cesser de m’ auto censurer.

Malgré ces points très positifs je consomme de plus en plus de thc, notamment avec A. Passant d’une ou deux fois par semaine a 2 ou 3 fois par jour. Je suis la rebelle du fond de la classe, j’ai découvert les années 60 et le mouvement hippie, univers qui semble m’attendre depuis toujours. Musiques psychédéliques ou contestataires, look travaillé dans l’anti conformisme, je fume des joints en blâmant le système, les riches et les adultes. J’ai 17 ans.

J’obtiens d’assez bons résultats au bac, aux épreuves anticipées de 1ere. 36 points d’avance, parmi les meilleurs de ma classe.

Terminale. L’année précédente était trop belle, ça pouvait pas durer. Moi, l’ inadaptée qui se passionne quand elle est bien entourée, me suis retrouvée avec une prof de littérature godiche et mauvaise, Mme G, et en prof principale et prof d’anglais, Mme D, une fausse sympa, fausse cool, du genre à ajouter ses élèves sur Facebook, mais à le prendre personnellement si on ne fait pas le travail demandé .

[ parenthèse, car vous allez me trouver peste si je ne m’explique pas:

-on m’avait assuré, avant d’entrer au lycée, que les profs se fichaient de notre travail perso. Que nous serions considérés comme des adultes et donc laissés libres en toute conscience. Quel mensonge…

– il y a deux genres de profs. Ceux qui, s’ apercevant qu’un travail n’est pas fait, vous rappellent que tant pis pour vous si vous échouez aux exams. Ceux la savent être bienveillants dans la remontrance et ne rechignent pas à vous instruire malgré tout.

Les autres vous prennent en grippe, font de votre fainéantise adolescente une affaire personnelle et sont blessés dans leurs égos. Ceux la vous saquent, et vous lancent des regards mauvais, entourés de leur petite cour d’élèves cireurs de pompes, médisant ensemble à propos du dernier rang. ]

Cette dernière année sera celle du décrochage final. Ma moyenne générale est catastrophique  (autour de 7/20 je crois ). Je fume du matin au soir, suis constamment défoncée. Précisons que c’est au lycée et dans ses alentours que je me fournis le plus facilement. La drogue tourne partout, le skate parc voisin est mon refuge, j’y fume seule ou en groupe. Voilà mes motivation, trouver à fumer, de bonne qualité et pas trop cher, arranger des « plans », s’échanger des numéros de dealers.. A, ma pote, prend un peu de coke et tombera dans l’héroïne. Pas moi, même si j’ai l’opportunité d’y goûter. Le problème c’est que A décroche encore plus que moi, elle est très souvent absente et s’endort debout parfois.

Jusqu’au jour où elle m’annonce que sa mère lui paye le cned, qu’elle révisera le bac chez elle (elle a un appart avec son mec de l’époque.)

Et c’est hors de question de continuer le lycée sans elle. Je peux pas affronter ça seule. J’ai d’autres amis mais personne comme A. D’autant plus que je me suis isolée, taillée une sale réputation de loque toxico.

J’en parle à ma mère, moi aussi je veux finir l’année au cned. Elle ne connait pas l’étendue de ma consommation de drogue, ni qu’ A prend de la dure. Mais elle sait que j’ai des profs pourris, elle sait que c’en est trop pour moi. Avant d’entrer au collège, elle avait déjà voulu me déscolariser, pressentant la toxicité de l’école pour moi. Mon père s’y était opposé.

Cette fois ci il n’aura pas son mot a dire. Ma mère à assuré cette fois là.

Après les vacances d’hiver, je ne reviendrais pas. Je reçois mes cours du cned et fait une tentative de programme de préparation au bac. Comme à mon habitude je sombre dans l’oisiveté. Je fume toujours beaucoup, mais mon moral est quand-même plus positif. Je n’ai plus à affronter l’objet de ma haine et de mon ennui profond. Je continue à voir A, elle aussi va mieux. On fait semblant de réviser ensemble. Le soir quand ma mère rentre, je fais mine d’avoir le nez dans les bouquins. J’attends le bac avec insouciance, en mai je trouve un job quotidien de baby sitter.

Le bac. J’entame les épreuves en tant que candidat libre, et me retrouve dans le même lycée que A. J’ai un stress raisonnable qui ne m’handicape pas.

Résultats, j’ai le bac mention ab. Avec des notes assez pourries, sauf en anglais. Ce sont les notes de première qui m’auront assuré l’obtention du diplôme. Alleluia. Avec mes parents c’est clair, je prends une année sabbatique. De toute façon je ne sais pas quoi faire. Pas envie d’aller à la fac. Surtout, ne pas étudier. Je resterais donc chez mes parents, vivant parfois quelques jours chez mon mec, rendant visite à des amis ou à ma famille.

Voilà pour la fin de mon parcours scolaire. C’était en 2011.

Depuis j’ai fait de l’hôtellerie, des ménages. J’ai un enfant de 3 ans. Et cela fait 2 ans que je travaille en école primaire comme avs, avec des enfants handicapés.

Je compte commencer une licence d’histoire à distance à la rentrée prochaine, pour suivre ma vocation de toujours, archéologue ou juste historienne spécialisée.

Pour répondre à votre dernier mail, quand je parle de gâchis, c’est pas moi qui le dis. Ce sont des mots de ma génitrice. Personnellement je ne m’estime pas ratée ni gâchée. J’ai plein d’espoir. Mais mes parents transpirent l’angoisse et la déception en ce qui me concerne. J’ai tenté de leur dire de garder leurs angoisses pour eux, que c’est pas mon problème. ils ont encore du travail a faire la dessus.

Quand j’utilise ces termes, c’est un peu une mise à distance ironique pour moi.

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