Tous les articles par Nadine Kirchgessner

réflexions

Voici un extrait de mon mémoire  :

Dans le même temps, les associations ont travaillé d’arrache-pied pour alerter les enseignants et l’éducation nationale sur la proportion  (un tiers)  de ces enfants qui sont en échec scolaire profond. Ces travaux ont abouti au rapport  Delaubier[1] de 2002. Il s’en est suivi une loi, du même nom.

 L’intégralité du texte se trouve en annexe.

 Voici une copie du bulletin officiel de l’Education Nationale :

 

 Le B. O. 2149

N°38

25 OCT.

2007 ENSEIGNEMENTS

ÉLÉMENTAIRE ET

SECONDAIRE 

Texte adressé aux rectrices et recteurs d’académie ;

aux inspectrices et inspecteurs d’académie, directrices

et directeurs des services départementaux de l’éducation

nationale ; aux inspectrices et inspecteurs d’académie,

inspectrices et inspecteurs pédagogiques régionaux ;

aux inspectrices et inspecteurs chargés des circonscriptions

du premier degré

■ La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école prévoit, dans son article 27

Codifié 321-4, une meilleure prise en charge des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières et qui montrent aisance et rapidité dans les activités scolaires, “notamment par des aménagements appropriés”.

 

 

 

 


[1] Delaubier, inspecteur d’académie, auteur du rapport « la scolarisation des enfants précoces »

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réflexions

 

extrait de mon mémoire :

Ce concept de dyssynchronie est contesté par Laurence Vaivre-Douret[1], au moins pour les jeunes enfants. Elle  explique avec justesse que les enfants surdoués très jeunes ont plutôt une synchronie relative.

 

Article original 2004

Point de vue développemental sur l’enfant à « hautes potentialités » (surdoué)

L. Vaivre-Douret (extrait)

« Nous constatons de fait, chez ces enfants en bas âge, une synchronie relative du développement des fonctions psychomotrices et psychologiques qui apparaissent précocement. Nous faisons l’hypothèse d’une organisation particulière (réseaux neuronaux, vitesse de conduction) de la plasticité cérébrale en référence aux travaux neurophysiologiques et cognitifs, capacités d’adaptation, précocité et rapidité d’acquisition des compétences, atouts qui ont leur revers de vulnérabilité, avec des facteurs de risque en fonction des conditions d’environnement (famille, école, pairs). »

 

 

Cette synchronie relative, je l’ai remarquée chez mes enfants. Mais il est vrai qu’une partie des enfants surdoués peut être « gauche », voire très maladroits.

 


[1] Laurence Vaivre-Douret est docteur en psychologie du développement

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Colloque ECHA 2010

COLLOQUE ECHA 2010

Autour de l’évaluation potentielle des enfants, de Binet à nos jours. Université Paris Descartes.

compte -rendu du colloque :

premier intervenant :

intitulé du site  ECHA 2010

Carol DWECK
Professeur de Psychologie,
Lewis et Virginia Eaton
Département de Psychologie
Université de Stanford

Titre

Cadre mental, compliments et éducation des enfants à haut potentiel: Comment les messages envoyés aux élèves à haut potentiel peuvent ils faciliter ou entraver leur réussite ?

Résumé

Dans cet exposé, Carol Dweck présentera ses recherches sur l’effet que peut avoir le cadre mental des élèves sur leur réussite. Elle démontrera comment des élèves qui ont un cadre mental fixe (la croyance que l’intelligence et les talents sont des caractéristiques fixées) peuvent abandonner leurs études et freiner leur propre réussite, alors que les élèves qui ont un cadre mental évolutif (la croyance que l’intelligence et les talents peuvent évoluer) restent ouverts aux problèmes difficiles qui leur demandent d’aller au-delà de leur capacité actuelle. Elle présentera également le fait que complimenter à propos de l’intelligence ou des talents peut contribuer à la formation d’un cadre mental fixe et comment de nouveaux programmes interactifs peuvent permettre de développer un cadre mental évolutif. Finalement, les implications de ces recherches sur la définition du haut potentiel et pour l’éducation de ces enfants seront présentées.

 

« I divide the world between learners and non-learners » Benjamin Barber

 People today in America can’t make it through the day without an award

Opposition  between a fixed mindset and a growth mindset. 

I ‘d spend less time on this subject from now on

Someone with a growth mindset capitalize on mistakes and confronts his deficiencies.

Triing to feel superior

Our language tells students what we believe in and what we value.

 Where do mindsets come from ?

Student do an effort they enjoy

 What to praise :

–         effort, struggle, persistence despite setbacks

–         strategies, choices

–         choosing difficult tasks instead of easy ones

–         learning, improving

a child 10 aged with a difficult problem tells : « I love the challenge »

Children have to feel valued. They have to embrace learning and growth, understand the role of effort in creating talent, it maintains confidence and effectiveness.

1)      Talent is dynamic

2)      Talent grows with dedication and deliberate practise

3)      You have to foster the motivation that creates talent.

conclusion  : implication for gifted education

traduction

«Je divise le monde entre les apprenants et les non-apprenants» Benjamin Barber

Aujourd’hui, les gens en Amérique ne peuvent passer une journée sans une sentence

L’opposition entre la mentalité fixe et une mentalité de croissance. Quelqu’un avec une mentalité de croissance  capitalise ses erreurs et confronte ses déficiences. 

 Si le cadre est fixé, c’est-à dire que l’on dit, voilà, tu es comme cela, on ne tire pas l’élève vers le haut.

Si l’on pense que le cadre n’est pas fixé, on peut essayer de s’améliorer.

Notre langue dit aux élèves en quoi nous croyons et ce que nous apprécions.

D’où vient le cadre fixé  ?

Que faut-il complimenter ? :
– L’effort, la lutte, de persévérance malgré les échecs
– Les stratégies, les choix
– Choisir les tâches difficiles au lieu de faciles
– L’apprentissage, l’émulation

Les enfants doivent se sentir valorisés. Ils doivent envisager l’apprentissage et la croissance,  comprendre le rôle de l’effort dans la création de talent, ils conservent la confiance et l’efficacité.
Le talent est dynamique
le talent croît avec  la pratique 
 C’est  la motivation qui crée talent.

conclusion: il faut s’impliquer dans l’éducation des enfants surdoués.

www.brainology.us

Dr. Sylvie TORDJMAN
Membre de l’équipe Perception/action
Laboratoire Psychologie de la Perception – UMR8158
Professeur des Universités – Praticien hospitalier
Fondatrice de l’USD « Unité pour Surdoué en Difficulté »

Laboratoire Psychologie de la Perception

EIP en difficultés  QI >130

Quelles difficultés,  les dys

Difficultés scolaires un  quart, ils doivent apprendre à apprendre,  car ils sont  intuitifs.

ils ont des difficultés d’hyperactivité, sont perturbateurs,  difficulté émotionnelle,

Anxiété, déprime.

Evaluations

Modèle de Munich  ( Heller) 2004

Aptitudes intellectuelles

Analyses statistiques

Entretiens

Epreuves standardisées  tests de QI

Ziegler et Raul  (2000)

Approche différentialiste

il faut cerner au plus près les caractéristiques des EIP

constitution d’une base de données

Conclusion

Il faut une approche globale     Lebihain Tordjman  (2006)

Et ne pas négliger l’importance de l’environnement.

 

Jeanne Siaud-Facchin

 

Etymologie “adolescere” – grandir

3 axes :

– corporel

-narcissique

-cognitif ( raisonnement hypothético-déductif)

 

Caractéristiques des enfants EIP

–         puberté précoce ( ?)

–         questionnements existentiels familiers mais amplifiés (une sorte de sur-adolescence)

–         remise en question du Soi, projection inquiète par rapport au corps

–         déficience d’inhibition latente

–         hyperesthésie – les 5 sens sont exacerbés (il faut couper les étiquettes des vêtements)

–         sentiment d’inquiétante étrangeté – je ne suis pas/je suis

–         impossibilité de choisir, d’avoir des certitudes

 

Je n’ai pas bien pris de notes sur tous les intervenants.

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Itinéraire de l’adulte doué Arielle Adda 2003

Itinéraire de l’adulte doué : une indicible désolation intérieure

De l’errance à la révélation

Nous commencerons par évoquer quelques aspects du chemin suivi par les adultes doués jusqu’à la révélation de leur don intellectuel : leur parcours et son aboutissement.

Il s’agit ensuite de guider l’explorateur après la découverte, peut-être fortuite, de son don, dans des contrées tout à la fois inconnues et familières.

Une indicible désolation intérieure…

Cet intitulé qui paraissait s’imposer en la circonstance est un peu trop brutal, douloureux peut-être à entendre sans précautions, mais il sera repris au cours de cet exposé.

Un tel sentiment de désolation est impossible à exprimer : il y a des moments où les mots, tous les mots, même les plus précis, deviennent réducteurs. Comment raconter à des interlocuteurs qui ignorent absolument de quoi on leur parle cette impression d’être « à côté » ou même « en dehors » de la vie normale que mènent les gens « normaux » sans se poser de questions ?

Il est tellement tentant pour l’entourage de porter un diagnostic hâtif, étayé par quelques notions de psychologie et de médecine, notions largement dispensées par les medias, ce qui fait que tout le monde pense posséder au moins quelques idées sur le sujet

Cette tristesse floue qui n’a pas de nom ni de visage, cette nostalgie d’un paradis qu’on n’a jamais connu, qu’on ne pourrait décrire, relève simplement d’une dépression passagère, comme on dit dans la météo.

« C’est sûrement ça, dit la jeune fille en pleurs, je dois faire une déprime… » Avec ce mot passe-partout, qui semble enfin donner un nom à l’impossible souhait, on imagine résolue la plus grande partie du problème.

C’est à cause de cette « déprime » qu’elle ne s’intéresse pas aux mêmes sujets que ses amies, que leurs distractions l’ennuient : elle est austère et trop sérieuse parce qu’elle est déprimée, ce sont donc les sujets rébarbatifs qui lui plaisent, en accord avec son état d’esprit. Elle n’a pas envie de rire. Il en va de même pour ce jeune homme qui reste sombre en toute circonstance, sans que l’on sache très bien pourquoi.

Que dire des plaisanteries qu’ils tentent parfois et qui ne font pas rire les autres, même s’ils se forcent charitablement ? Et que rajouter, quand cette plaisanterie qui leur a échappé, parce qu’elle leur est venue si rapidement à l’esprit qu’ils n’ont pas eu le temps de la refouler, cette plaisanterie, assez drôle finalement, ne fait rire personne et provoque, au contraire, un léger froid, comme un courant d’air glacial s’insinuant brusquement dans une pièce bien chauffée ?

Faire des efforts

« Il faut faire un effort », disent les amis attentionnés : il est bien difficile de faire un effort des heures durant pour écouter des conversations ennuyeuses, pour rire poliment, pour tenter de dire quelques mots appropriés à la situation. Si ces quelques mots traduisent un intérêt, ils risquent aussi bien de trahir l’ignorance d’un sujet à mille lieues des préoccupations ordinaires. Dans ce cas, celui qui a fait un effort passe pour un imbécile, qui n’est pas au courant des dernières nouveautés, parce que trop distrait et trop indifférent, trop intellectuel peut-être, ce qui est encore pire. S’il ne dit rien, il semble mépriser les autres, qui parlent avec intérêt d’un événement, d’une émission de télévision, d’un scandale financier. Se croirait-il supérieur ? Il en a l’air, en tout cas.

Des efforts aussi coûteux et aussi peu couronnés de succès ne peuvent être fournis très longtemps : il est fastidieux de passer ses loisirs à tenter désespérément de ressembler à des gens manifestement si différents de soi, mais il est terrible de renoncer à leur ressembler, parce qu’il n’y a pas d’autre solution. C’est beaucoup trop angoissant de penser qu’on est seul de son espèce, condamné à errer sans fin dans un désert affectif, en faisant semblant, quand on en a la force, de ressembler aux autres, comme on se met un masque les jours de carnaval. Voilà, c’est seulement au moment du carnaval qu’on peut sortir, bien à l’abri derrière un masque qui donne une apparence autre, pour une fois justifiée. Le déguisement est devenu licite.

Une désolation glacée et discrète

En fait, enfant ou adulte, l’individu doué a vite trouvé parfaitement normal d’être toujours un peu à part, il sait qu’il y aura forcément des différences, plus ou moins apparentes, plus ou moins supportables, mais il se retrouvera à l’écart, de façon subtile, parfois même il s’agira surtout d’une impression intérieure, moins évidente qu’il ne le pense. Cette désolation glacée reste discrète : la solitude lui va bien et même il n’existe pas d’autre état qui lui convienne aussi bien. Les enfants disent avec naturel, comme si cela allait de soi « J’ai des copains, mais je n’ai pas d’amis », et ils s’en contentent avec sagesse, puisque c’est leur lot. Dès la Maternelle, ils ont connu l’expérience de la solitude. Les parents racontent leur surprise quand ils s’aperçoivent que leur enfant est tout seul dans la cour, au milieu des autres qui bavardent, rient et courent partout, mais il ne s’en plaint pas particulièrement, et les maîtresses préfèrent ignorer ce problème, puisqu’il semble bien accepté par tous. Ces enfants répondent par un regard sceptique quand on leur affirme que, plus tard, au sein d’un groupe de semblables, ils trouveront tous les amis qu’ils voudront : ils soupçonnent une façon sournoise de les inciter aux bons résultats scolaires sous le prétexte que, dotés de bons diplômes, ils pourront choisir une profession où les doués abondent.

Pourquoi semble-t-il si difficile de parler des adultes doués ? Il serait tentant de penser que l’égalité a gagné. Les enfants, dans leur innocence, ont le droit d’être

différents, puis tout doit rentrer dans l’ordre. Les adultes sont tous également intelligents, avec des intelligences diverses et voilà tout. Ceux qui se pensent différents sont de pauvres inadaptés qui se cherchent des excuses.

Je me suis demandé si les spécialistes n’avaient pas peur de parler des adultes, tout d’abord parce qu’il faut en parler aux adultes concernés, et on peut toujours craindre que ces auditeurs soient plus intelligents que l’orateur : on fantasme beaucoup au sujet de l’intelligence. La solution la plus facile consiste à se retrancher dans un jargon réservé à quelques initiés : les auditeurs ne comprennent rien, ils sont en infériorité, l’ordre est respecté. Il est certainement plus facile de parler des enfants : les auditeurs adultes se reconnaissent parfois, mais ce sont de lointains souvenirs estompés et peut-être transformés par la vie ; quant aux enfants, ils écoutent ce qu’on dit à leur propos, mais ils n’ont pas de grand recours, et puis ils ont tellement l’habitude d’entendre des commentaires bizarres à leur sujet qu’ils ne s’insurgent pas, ils rêvent et laissnt passer

. Mais le don intellectuel ne se soigne pas, alors quel est l’intérêt d’aborder un sujet dont on n’a rien à dire ? Si des adultes doués souffrent, c’est leur problème, qui n’a pas forcément de lien direct avec leur don, et il convient alors de soigner leur souffrance comme n’importe quelle manifestation d’un déséquilibre. On entend des thérapeutes parler de patients intelligents, certes, mais bien atteints par ailleurs, sans que leur intelligence ait un rôle quelconque dans leur malaise.

Je le répète inlassablement : on ne comprend naturellement et sans effort que ce que l’on connaît par expérience personnelle, soit parce qu’on a vécu soi-même une situation identique, soit parce qu’on a vu dans son entourage des personnes qu’on comprenait bien et dont on pouvait saisir la souffrance.

Il est vrai qu’il y a un confort à la fois intellectuel et affectif à se trouver « dans la norme ». Tous ensemble, bien au chaud grâce à la sympathie que chacun éprouve pour ses semblables, on peut considérer la vie d’un regard indulgent et apaisé. L’angoisse, propre à chaque être humain, se dilue un peu au sein d’un groupe chaleureux. Celui qui préfère se tenir à l’écart risque, en effet, de ressentir les assauts de cette angoisse décuplés par sa solitude : il n’a personne pour l’aider à supporter cette vague étouffante, mais il l’a bien voulu. Ce garçon ignore cette fille, là, si gentille et si jolie, qui ne demandait pas mieux que de venir à son secours, mais il lui a préféré une orgueilleuse solitude, sous le prétexte futile qu’il ne pouvait pas lui parler de ce qui lui tenait à cœur ; il a privilégié ses propres discours, fumeux et ennuyeux, et il en paye le prix. Tout comme cette fille qui ne cesse de pleurer, qui envie ses amies aux multiples aventures amoureuses, qui soupire on ne sait après quoi et qui se dessèche, seule et amère, alors qu’elle aurait pu facilement trouver un soupirant, surtout si elle consentait à parler comme tout le monde, au lieu de proférer des idées un peu trop originales, effrayantes parfois. Elle ne se rend pas compte qu’elle fait peur aux hommes ; finalement, elle doit être un peu idiote… mais bien attirante tout de même.

On ne devient pas normal impunément

Toutes ces descriptions, souvent énoncées sous forme de reproche « amical », ne correspondent pas à ce que ressent l’individu solitaire, quand il se voit parmi les autres, à la fois semblable et différent, mais d’une différence impalpable, impossible à décrire : elle le renvoie à sa solitude, qui semble bien être le refuge

D’ailleurs, à bien y réfléchir, cette norme reste une idée abstraite, comme la « moyenne », qui ne veut rien dire et ne correspond à aucune réalité. L’ennui de cette notion, c’est qu’elle entraîne à sa suite celle d’anormal, et on a tôt fait de mettre dans cette catégorie tout ce qui semble un peu curieux, étonnant, singulier dans le sens d’opposition à « pluriel » : soit on est seul de sa catégorie, soit il y a beaucoup de monde.

On se plaît d’ailleurs à dire que les enfants doués sont, plus que les autres, sujets à des troubles mentaux, affirmation qui trouve un regain de succès en étroite relation avec la médiatisation plus grande de la notion d’enfants surdoués ou précoces, ou bien on affirme que les enfants doués n’existent pas — « Je n’y crois pas ! » — ; ils seraient seulement le reflet du désir ou de la pathologie de leurs parents. « Pour certains de ces enfants, peut-on parler de symptôme et, si tel est le cas, quelle en est l’adresse ? » entend-on dire à propos d’une population dite de « surdoués ». On imagine alors comment seraient considérés des adultes qui persisteraient à se croire dotés de capacités intellectuelles un peu plus élevées que cette fameuse moyenne.

Ambiguïté

Là encore, on en arrive à une ambiguïté délicate à cerner. D’une part, les personnes intellectuellement douées ont plutôt tendance à discerner leurs faiblesses avec une implacable lucidité qui leur interdit de se croire plus douées que d’autres, je ne cesse de le répéter, mais ces paroles s’effacent au premier accroc : on ne sait pas qu’on est intelligent, et on trouve toujours de très bonnes raisons pour expliquer la vélocité de l’esprit et l’originalité de la pensée. D’autre part, ces mêmes personnes douées semblent se placer délibérément à l’écart des autres, elles recherchent des interlocuteurs particuliers, elles disent des choses incompréhensibles, peut-être ont-elles tout simplement préféré prolonger l’esprit de leur enfance quand toutes les fantaisies imaginatives étaient considérées avec indulgence. Cette « différence » ne serait alors qu’un état infantile indûment reconduit à l’âge adulte. On sait que le prétexte le plus souvent allégué par les maîtresses pour refuser un saut de classe est ce fameux « manque de maturité » ; alors, pourquoi une telle prédisposition à l’infantilisme ne se poursuivrait-elle pas à l’âge adulte ?

Le terme de précoce, si souvent employé, comporte un effet pervers, que je dénonce chaque fois que je le peux, puisqu’il laisse entendre qu’un enfant, certes un peu en avance par rapport à ses camarades, va rentrer dans le rang dès qu’il aura grandi, et l’ordre régnera. L’adulte qui s’entête à se considérer comme doué serait peut-être même plutôt retardé.

Combien d’adultes viennent expliquer cette sensation d’inadaptation, vécue comme un handicap lourd et non comme un atout d’une richesse incomparable ? Ils donnent très souvent l’impression de ne pas habiter entièrement en eux-mêmes, comme s’il y avait une « terre inconnue », terra incognita marquée en pointillés sur une carte, parce qu’on se doute qu’il existe quelque chose par là, mais on ne sait pas très bien quoi.

D’ailleurs, il suffit parfois de quelques entretiens pour que les relations s’améliorent entre celui qui se connaît pourtant encore si mal et son entourage proche. Même adulte, on reste toujours l’enfant de ses parents, le petit frère ou la grande sœur de la famille, mais, dès qu’on commence à se voir soi-même différemment, les autres perçoivent ce changement et réagissent aussitôt, d’autant plus rapidement que cette transformation a été profonde, échappant même à la maîtrise de celui qui se cherche depuis si longtemps.

Quand, à la faveur d’un article, d’une émission, d’une conversation, ces adultes dont l’image est brouillée à leurs propres yeux pensent trouver un indice qui les éclairerait sur leur identité, ils entrevoient une lueur lointaine, presque trop lointaine pour qu’ils la croient réelle. Elle pourrait n’être qu’une illusion de plus, à l’image des amitiés qu’ils avaient crues sincères, sans parler des amours, trop souvent décevantes. Leurs élans passionnés leur ont laissé un souvenir cuisant qui les blesse encore des années plus tard. Alors, cette lueur jetant une lumière nouvelle sur leur âme doit être considérée avec prudence, circonspection, sans emballement, les déconvenues sont trop amères et laissent un goût âcre

Au travers de tout ce qui est dit, il apparaît bien que l’élément le plus important, l’essentiel de l’individu est l’image qu’il a de lui-même, et cette image a subi bien des avatars depuis le jour où le petit enfant a commencé à prendre conscience qu’il existait comme un tout bien défini.

Quand les enfants lisent un compte-rendu d’examen psychologique qui les décrit comme ils sont en réalité, ils en éprouvent un soulagement incommensurable : ils se croyaient  idiots, anormaux dans le sens le plus affreux du terme, et ils découvrent qu’ils possèdent une finesse d’esprit rare et précieuse, qu’ils savent user d’une imagination étourdissante et qu’ils peuvent se permettre de rêver d’un avenir empli de promesses, puisque leurs capacités leur permettront la réalisation de toutes les ambitions. L’image effilochée qu’ils avaient d’eux-mêmes se trouve comme par miracle réparée et même, plaisir insigne, particulièrement étincelante.

Les adultes qui n’ont pas connu ce réconfort gardent tant bien que mal une image d’eux-mêmes un peu défaite, avec des trous d’ombre, des manques, des vides, comme un puzzle dont on aurait égaré quelques pièces. Si ces pièces occupent des emplacements clefs, l’image ne sera jamais satisfaisante, et les manques apparaîtront avec évidence, même aux yeux d’un observateur peu attentif. Alors, que dire du porteur de cette image amoindrie, amputée, mais dont on ne sait de quelle partie ? Elle est incomplète, et personne ne peut dire clairement quelle est la partie manquante : ce vide n’a pas de nom, pas d’existence peut-être, puisque c’est un vide.

Longtemps, ceux qui ont connu ce désarroi ont cru qu’ils devaient, leur vie durant, cheminer péniblement sans jamais se défaire de cette sensation confuse, mais douloureuse , oppressante et lourde, très lourde ; ils tentaient alors de s’accommoder tant bien que mal de cet inconfort. Et puis, presque par hasard — mais y a-t-il un hasard pur ? —, ils ont lu quelques lignes ou parlé avec quelqu’un qui semblait les comprendre car il avait, lui aussi, peiné sur un chemin chaotique et caillouteux, et une lumière était apparue : il y avait une réponse possible à ces mille questions qu’ils auraient aimé se poser clairement, mais les mots leur avaient toujours manqué pour formuler cet indicible.

La panacée si volontiers envisagée, la thérapie, ne procure pas toujours le réconfort attendu. Il est si facile de trouver une bonne raison pour justifier tous les malaises. Parfois, il est préférable de mener sa propre route. Ceux qui sont déterminés, qui ont connu des périodes de souffrance intense et des difficultés de tous ordres en conservant tout de même une énergie vitale qui leur a permis de survivre, ceux-là savent bénéficier des minuscules prises qui leur permettent d’avancer chaque fois un peu plus. Comme ces alpinistes qui trouvent les plus petites failles pour s’y glisser et y prendre appui, ces adultes fatigués, mais animés par un espoir têtu, avancent en utilisant quelques mots entendus par hasard, un texte lu en passant, une histoire qui ressemble à la leur et qui finit bien. Il y a des contes de fées qui se frayent un passage jusqu’à la réalité. Il suffit parfois d’un infime élan, dont l’auteur n’a peut-être même pas eu conscience de l’importance, pour que celui qui est à la recherche de lui-même trouve un nouveau souffle et parte dans la direction que ces minuscules indices lui ont indiquée.

© Arielle ADDA. Lyon, 25 octobre 2003.
Texte reproduit avec l’autorisation d’Arielle ADDA, qui en conserve tous les droits.

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Commentaire très sympathique

j’ai reçu ce commentaire de karin (merci  Karin ) :

 

« Merci Nadine de nous faire part de votre expérience.

Je trouve votre site très riche et agréable à lire. J’apprécie beaucoup le fait que vous n’abordiez pas uniquement l’aspect psychologique de la surdouance.

C’est vraiment un gros plus par rapport à tout ce que j’ai pu lire sur le sujet.

Vos témoignages me sont personnellement très utiles.

Vous êtes une sorte de « GPS » pour les personnes qui ont un enfant précoce ou supposé comme tel, même si je sais bien que chacun à sa propre route à parcourir.

Bravo également parce que vos enfants s’en sont très bien sortis malgré certaines difficultés qu’on leur a mis dans les pattes. »

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