Surinterprétations

Un nouvel article signé Pascal Auclair contribue à diffuser des « découvertes » et des surinterprétations sur la douance.

Il est vrai que ce magazine ra-santé ne s’illustre pas souvent par la véracité du contenu de ses articles sur le sujet du haut potentiel. On a pu lire en 2016 par exemple ceci :

Hypersensibilité, la moitié sont confrontés à des problèmes d’apprentissage, un tiers n’arrivent pas jusqu’au lycée,  Olivier Revol    29/09/2016  avec le même journaliste, Pascal Auclair :

http://www.ra-sante.com/enfants-precoces-haut-potentiel-et-surdoue-revol-197845.html

ou cet article du 15.09.2014, quand pour O Revol, le haut potentiel est un trouble d’apprentissage :

https://sciencespourtous.univ-lyon1.fr/les-enfants-precoces-cerveau-different/

Depuis cet article que j’avais écrit le 12.10.2016 :

L’IRM et le haut potentiel ?

 l’étude en question est parue officiellement dans la revue Frontiers in Neuroscience, en avril 2017, sous le titre :

Hemispheric Differences in White Matter Microstructure between Two Profiles of Children with High Intelligence Quotient vs. Controls: A Tract-Based Spatial Statistics Study

https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2017.00173/full

Ayant lu très attentivement cette étude, j’ai pu constater malheureusement que les enfants surdoués sont recrutés dans un centre hospitalier et dans une consultation de psychologie. Le biais de recrutement est énorme, chacun peut le remarquer, même sans avoir fait des études poussées de statistiques. Cette étude ne permet pas de conclure quoi que ce soit au sujet de la population entière des surdoués :

« Materials and Methods

Subjects

Participants in this study were children followed either at the children psychiatry department of Lyon’s Neurological Hospital or the PSYRENE Center, both specialized in HIQ evaluation and psychological follow-up. Children were also recruited by placing ads in public schools (mostly for the recruitment of control subjects).

Sujets

Les participants à cette étude étaient des enfants suivis au service de pédopsychiatrie de l’hôpital neurologique de Lyon ou au centre PSYRENE, tous deux spécialisés dans l’évaluation du HQI et le suivi psychologique. Les enfants ont également été recrutés en plaçant des annonces dans les écoles publiques (principalement pour le recrutement de sujets témoins). »

 

Faut-il commenter ? L’article de ra-santé présente cette étude comme la découverte du siècle. Dans les conditions de recrutement de l’étude, expliquées par les chercheurs eux-mêmes, c’est grandement exagéré. Les QI élevés homogènes et les QI élevés hétérogènes sont définis rapidement dans l’étude, à partir de deux indices seulement. On remarque aussi une surreprésentation des garçons par rapport aux filles.

 

Dans une vidéo, filmée lors d’une conférence Mensa be  en novembre 2016, Nicolas Gauvrit était invité ainsi que Dominique Sappey Marinier, l’un des chercheurs de l’étude de Frontiers. 

Il est très intéressant d’écouter attentivement les deux vidéos :

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Dominique Sappey Marinier, l’un des chercheurs de l’étude de Frontiers, passe rapidement sur leur sélection Laminaires / Complexes pour y revenir sur la fin, suite à une question à 22:30

23:30 : « caractéristiques telles que nous on les perçoit, c’est basé sur la clinique d’Olivier Revol et Fanny Nusbaum »

28:08 :  Dominique Sappey Marinier dit :

« je suis tout à fait d’accord avec Nicolas Gauvrit, c’est de la clinique mais on n’a pas d’études  »

29:10 : « On pensait que les complexes fonctionnaient « en arborescence »

CQFD : finalement, les chercheurs le disent eux-mêmes, ils ne se sont intéressés qu’à la clinique, c’est à dire qu’ils ont observé des enfants qui étaient en difficulté. Ils ne peuvent donc pas généraliser à toute la population des enfants surdoués.

http://www.ra-sante.com/enfant-precoce-etude-cerveau-lyon-121798.html
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EXTRAIT DE L ‘ARTICLE :

« Quels sont les effets pervers de tels profils ?

FN: Le Complexe présente des troubles du comportement, de l’apprentissage, de la personnalité, une hyper-sensibilité qui sont essentiellement liés à un manque de contrôle de son attention et de son impulsivité. Le Laminaire, lui, sera davantage sujet à la somatisation, à l’hypocondrie, voire au « burn-out » en cas de sur-sollicitation. Il peut aussi être plus sujet aux addictions comme l’alcool ou la drogue pour suppléer le manque de sensations émotionnelles. »

 

Ma conclusion

C’est un peu comme si on disait que la plupart des enfants ont une jambe cassée parce que des médecins ont vu des enfants avec une jambe cassée dans leur hôpital.

 

Quelques articles pour approfondir le sujet :

Les fake news

Le journalisme

Quand les journalistes s’emballent…

Haut potentiel intellectuel Nicolas Gauvrit 2016

Les biais

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3 réflexions sur « Surinterprétations »

  1. Bonjour Nadine
    Merci d’apporter des éléments de fond pour nous aider à discerner le vrai du faux. En effet, j’entends souvent parler de ces 2 profils chez les HP : laminaire et complexe, ayant semble-t-il des caractéristiques bien distinctes. Et j’en avais déduit que ceux qui ont un profil hétérogène lors du test QI (c’est mon cas) sont « complexes » et les profils homogènes seraient « laminaires ».
    Je me suis d’ailleurs demandé pourquoi dans le bilan du test, l’explication de ces 2 profils ne ressortait pas plus, comme par exemple dire qu’il y a une base commune et des des points qui divergent.
    Et aussi : est-ce que ce sont seulement les « complexes » que l’on retrouve en consultation, les laminaires ressemblant plus aux profils « brillants et sans histoire » ?…
    Certains articles (celui que vous citez de ra-santé ou dans le site Rayures & ratures) n’hésitent pas à faire une typologie de profils distincts.
    Ça semble pertinent car étayé, en partie, scientifiquement. Et peut répondre à certaines interrogations (et du coup, rassurer).
    Mais comme vous le montrez, l’étude est loin d’être pleinement objective pour donner un résultat pour l’ensemble.
    Votre réponse dans un autre commentaire laisse encore plus perplexe : « la différence entre laminaire et complexe n’est pas du tout un concept scientifique (c’est à dire venant d’un consensus international), c’est un terme de leur équipe de recherche. Complexe est pour eux un profil hétérogène, donc , avec des troubles DYS. »
    Alors, je m’interroge : y a t-il quelque chose de juste dans ces profils laminaires/complexes (peut-être une partie ?), ou les caractéristiques dépendent-elles seulement de la personnalité/l’environnement, etc. de chacun ?
    La notion notamment de « décalage » ressentie par beaucoup prévaut-elle pour tous les HP, voire plus encore pour les « complexes » ?
    Enfin bref, ça fait beaucoup de questions. J’ai commandé votre dernier livre pour essayer d’y voir plus clair sur les données scientifiques. Mais je pense que ce serait bien si vous faisiez un billet argumenté sur ce sujet (profils laminaires/complexes) car ça pourrait apporter un nouvel éclairage.
    Merci encore pour votre site et votre désir d’objectivité pour ce sujet du HP.

    1. Bonjour Damien
      Dans le bilan du test, cette explication n’apparaît pas puisque ce n’est pas enseigné à la fac, car comme je l’écrivais : “la différence entre laminaire et complexe n’est pas du tout un concept scientifique (c’est à dire venant d’un consensus international), c’est un terme de leur équipe de recherche.
      Je pense qu’il vaut mieux ne pas s’appesantir sur ce sujet (profils laminaires/complexes) mais laisser le psychologue bien formé expliquer le bilan.

      La notion notamment de “décalage” ressentie vient surtout du QI, les très hauts QI se sentent décalés. Mais dès qu’on les laisse avancer et qu’ils sont dans un milieu culturel adapté, le décalage s’estompe.
      Merci de lire mon site si attentivement. Et mon livre !

  2. Merci Nadine pour cet approfondissement qui fait ressortir ce qui est écrit entre les lignes et que l’on pourrait mal interpréter au premier abord.
    J’en profite pour vous remercier de vos nombreuse analyses pertinentes. Continuez !

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