La terre est ronde ?

Certaines personnes qui s’intéressent au monde de la douance sont parfois fâchées avec les études scientifiques. Les fausses croyances ont la vie dure. Je pense souvent à Galilée qui a dû se battre pour faire comprendre à ses contemporains que la terre était ronde. Il a même abjuré… Aujourd’hui, les informations sont plus faciles, le net a complètement changé le monde mais la terre est toujours ronde. Et les humains sont toujours humains. Ce qui fait que parfois le monde ne tourne pas rond…

Je pense par exemple à cette « maxime » en forme d’injonction :

« 1/3 des enfants doués se trouve en échec scolaire grave & quitte l’école sans aucun diplôme »

Cela n’est pas vérifié scientifiquement. Le rapport Delaubier, 2002 ,dit d’ailleurs très clairement que l’on ne connait pas les chiffres, ( le conditionnel est employé) :

« Au cours des deux dernières décennies, des parents d’élèves qualifiés traditionnellement de “surdoués” ou de “précoces” se sont regroupés en associations et ont souhaité faire entendre, de manière publique, leurs revendications. A tous les niveaux, ils sollicitent les responsables de l’Education nationale pour demander une meilleure réponse aux besoins de leurs enfants, en estimant que l’organisation actuelle du système éducatif ne prend pas en compte leur spécificité. Ils font état, avant tout, de la situation d’une part importante de la population dite “intellectuellement précoce” ( le quart? le tiers?) qui rencontrerait des difficultés, parfois graves, dans son parcours scolaire » ET « Sur la catégorie qui est aujourd’hui l’objet de notre réflexion (enfants à quotient intellectuel supérieur à 130), nous manquons d’études suffisamment étendues et approfondies, en particulier dans le contexte français, pour avoir une vue claire de la situation et des besoins des 200 000 élèves concernés. Ces deux difficultés nous empêchent de fonder ce rapport sur une base scientifique assurée. En revanche, elles font apparaître un véritable “besoin de connaissance” qu’il paraît important de relayer. »

 

Comme je tiens à la science, je tiens à ce que des choses fausses ne soient pas divulguées, du moins qu’elles puissent être discutées, (c’est ce qui se fait en sciences) certaines personnes pensent que je n’aime pas les gens qui diffusent des théories fausses. C’est assez surprenant.

Alors que je n’y pense même pas aux personnes, moi, je me place au niveau des théories. Sans vouloir paraître prétentieuse, je vais citer ceci :

« Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des évènements ; les petits esprits discutent des personnes. »

Eleanor Roosevelt

Ainsi, pour certain(e)s, le fait qu’il n’y ait que 23 enfants surdoués dans l’étude de la cohorte EDEN n’est pas suffisant pour en conclure quoi que ce soit. Elles s’accrochent à ce qu’elles voient au quotidien dans leur entourage ou leur travail.  Et cette étude n’est pas très diffusée…Il y a déjà très peu d’études françaises…Alors que cette étude EDEN est très scientifique et que l’on peut faire des statistiques inférentielles, c’est à dire généraliser, car les surdoués ont été recrutés au hasard dans une population de 1100 enfants.

Quand on diffuse des informations en psychologie, il y a un devoir de diffuser les vraies études scientifiques. Quand on parcourt le net, il faut redoubler de prudence et aiguiser son esprit critique !

Je joins l’excellent article de Franck Ramus  (chercheur ENS)

Comprendre la publication scientifique

Extraits :

« Eh oui, c’est dur d’être chercheur, il ne suffit pas de faire la recherche, encore faut-il parvenir à la publier… Mais le résultat de ce long processus « d’expertise par les pairs », c’est que les articles finalement publiés dans les revues offrent un niveau de qualité scientifique minimal, niveau qui varie selon les standards de la discipline et les exigences propres à chaque revue. Comme chaque chercheur a pu en faire l’expérience, le seul processus d’expertise par les pairs et de révisions multiples qu’il entraine permet d’augmenter significativement la qualité des articles publiés. Bien entendu, il ne s’agit pas de suggérer que toutes les études publiées dans les revues scientifiques sont parfaites et que leurs résultats sont incontestables et définitifs. La notion même de résultat incontestable est incompatible avec la démarche scientifique. Il existe bien sûr toute une hiérarchie de revues scientifiques, certaines beaucoup moins exigeantes que d’autres et publiant des études de moindre qualité. Et même les revues les plus prestigieuses ne sont pas à l’abri de publier des études mal conçues ou mal conduites dont les résultats ne seront pas confirmés ultérieurement, de nombreux exemples en attestent. De fait, le modèle actuel d’expertise par les pairs n’est pas exempt de défauts et de nombreux débats animent la communauté scientifique sur l’opportunité et la manière de le faire évoluer. Néanmoins, le niveau de qualité et de rigueur des travaux publiés dans la plupart des revues scientifiques est sans commune mesure avec la bouillie disponible dans l’édition généraliste. »

ET

« Conséquences pour l’expertise scientifique

Ainsi, les critères de la publication scientifique sont nécessairement très différents de ceux de l’édition classique, et la manière d’apprécier les publications d’un chercheur est nécessairement très différente de celle d’apprécier l’œuvre d’un écrivain. Mais qui en est conscient, à part les chercheurs eux-mêmes (en tous cas ceux qui publient dans les revues internationales)? Malheureusement, pas grand-monde. En particulier, pas les principaux intéressés, qui sont régulièrement amenés à solliciter l’avis de chercheurs experts de tel ou tel domaine: les journalistes et les politiques. Il suffit d’ouvrir n’importe quel magazine (spécialisé ou généraliste) pour s’en rendre compte, et ce particulièrement dans les disciplines qui valorisent encore excessivement la publication francophone. Par exemple, sur un sujet de psychologie, qui est interrogé? Dans 90% des cas, un psychanalyste qui a publié des livres en français, mais qui n’a jamais publié le moindre article scientifique en anglais (et qui bien souvent n’a même aucune activité de recherche au-delà de l’observation informelle de ses patients). »

Une équipe des chercheurs Peyre, Ramus, Melchior, Forhan, Heude, Gauvrit, a publié cette étude récemment :

cliquer sur   Premiers résultats de la cohorte EDEN

 

 

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